Un garçon que je connais bien, très bien même, si vous voyez ce que je veux dire m’a longtemps répété cette phrase : le talent n’attend pas le nombre des années.

Il disait ça quand il avait 20 ans bien évidemment. On dit toujours ce qui nous arrange me semble-t-il et plus particulièrement au moment où ça nous arrange. Et c’est vrai qu’en y réfléchissant, 12 ans plus tard, il le dit un peu moins. Mais ne nous égarons pas, il l’a dit, et c’est bien ça qui compte. 

Pourquoi est-ce que je pense à ça, au juste ? 

Tout simplement parce que les très originaux journaux français ont tous la même une cette semaine – non je ne parle pas de retraite, effectivement, ça pourrait mais non – tous les journaux ont donc tous la même une cette semaine disais-je : Finlande, Sanna Marin, 34 ans, est la plus jeune dirigeante de la planète. 

Et voyez-vous, ils ont tous choisi de parler de son âge. Pas de sa couleur de cheveux. Pas de la destination de ces prochaines vacances. Pas du nom de son animal de compagnie. Non, de son âge. 

On apprend donc que Sanna Marin est plus jeune que 75 % des Finlandais en âge de voter, et ma foi, c’est une stat qui fera son petit effet au dîner. On apprend aussi qu’elle est “la plus jeune Première ministre de l’histoire finlandaise, la plus jeune cheffe de gouvernement actuellement en poste dans le monde et la plus jeune femme cheffe de gouvernement de l’histoire” grâce au politologue Janne Riitakorpi.

Or, parlait-on de l’âge Toutankhamon, roi à 9 ans, de celui de Louis XIV, sur le trône à 5 ans ou même de Kim Jong-un, au pouvoir depuis presque 8 ans alors qu’il est censé avoir 35 ans ? Non. Conclusion ? La question de l’âge ne se pose que lorsque l’on a le droit d’y répondre. 

Car il est vrai que pour Emmanuelle Macron, président de la République française, (source : Wikipedia) il était déjà question de l’âge.

Pourquoi ? Pourquoi l’âge reste-t-il un critère si important ? N’est-ce pas le moment de remettre en question cette valeur ? Si, bien sûr. Pour la simple et bonne raison qu’il est possible de vivre plus de choses en moins de temps par exemple. Car c’est ce dont il est question, non ? 

L’expérience. L’expérience et la sagesse qui en découle. 

Il ne peut être question de capacité d’intelligence puisque le cerveau atteint sa taille adulte vers 15 ans et qu’il finalise ses connexions en “élaguant” le superflu du nécessaire vers 25. Allez, admettons, 30. Sanna Marin, est donc “câblée” pour diriger son pays depuis quelques années.

Pour ce qui est de l’expérience, ça aussi Sanna l’a. Personnelle déjà. Et puis professionnelle aussi.

Elle raconte que sa mère a grandi dans un orphelinat et que son père était alcoolique. Que ses parents ont divorcé quand elle n’avait que quelques années et que « Comme beaucoup de Finlandais, ma famille est pleine d’histoires tristes ».

Puis sa mère est tombée amoureuse d’une autre femme et Sanna a été élevée par le couple, “une famille arc-en-ciel” dit-elle. Plus tard, elle décroche un diplôme d’administration publique. Elle est la première de sa famille à entrer à l’université. Pour financer ses études, elle travaille dans une boulangerie, puis elle livre des journaux, tient la caisse dans un magasin… Elle ne prend pas le prêt étudiant garanti par l’Etat car elle redoute de ne pas pouvoir le rembourser.

En 2014, Sanna Marin a été élue vice-présidente du SDP (Parti social-démocrate). Puis en début d’année 2019, elle a remplacé Antti Rinne à la tête du parti pendant près de deux mois, pour des raisons médicales. Sanna Marin a également été chargée de conduire la campagne électorale du SDP, ce qu’elle a fait avec succès. Le 14 avril, elle a été réélue au Parlement avec près de 20 000 voix, c’est le score le plus élevé pour un candidat social-démocrate. 

Sanna Marin gravit donc un à un les échelons de sa carrière politique et mérite apparemment tout à fait ce qui lui arrive. 

Mais son âge, aurait pu être un frein. Pourquoi s’est-elle affranchie de celui-ci ?

Peut-être parce que parmi toutes les barrières sur le chemin de Sanna Marin pour parvenir à ce poste de première ministre, finalement l’âge n’a pas beaucoup compté. Il y avait d’abord son milieu social, le fait qu’elle soit une femme, même si la Finlande est l’un des pays qui a le plus d’égalité entre les sexes*, son éducation familiale à contre courant… Il y avait beaucoup de raisons de ne pas y arriver.

Peut-être qu’elle s’est dit toute sa vie qu’elle n’avait rien à perdre… et aussi que le talent n’attendait pas le nombre des années.

Finalement, l’âge n’est qu’un chiffre qui n’a rien à voir avec ce qu’on a vécu.

Sanna Marin est une femme inspirante qu’il faudrait toujours garder dans un coin de sa tête. Car tout est possible, même ce qui ne l’est pas.Il faut juste faire en sorte de ne jamais l’oublier.

 

* Le gouvernement finlandais : 19 membres, 12 femmes, 7 hommes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* La Finlande est le premier pays au monde à accorder aux femmes le plein exercice de leurs droits politiques (le droit de vote en 1893 et le droit de se présenter en tant que candidate en 1906). Toutefois, Sanna Marin n’est que la troisième femme élue au poste de Premier ministre et c’est la première fois que tous les partis au gouvernement sont dirigés par des femmes. La Finlande a aussi déjà connu une femme présidente pendant deux mandats : Tarja Halonen, de 2000 à 2012. Pour rappel, en France, la seule première ministre de l’histoire, c’était Edith Cresson de 1991 à 1992 et elle n’a, par ailleurs, pas pu choisir ses ministres

 

 

 

 

 

 

Article écrit par Sophie Astrabie.